Depuis peu, les ménages néerlandais équipés de panneaux solaires paient pour injecter de l'électricité dans le réseau. Un scénario similaire est-il envisageable en Belgique ? Comment plafonner l'excédent d'énergie ? La batterie domestique deviendra-t-elle plus attractive ? Deux experts en énergie de l'université de Gand nous répondent : Joannes Laveyne, chercheur en énergie, et Sam Hamels, chercheur postdoctoral en économie de l'énergie.
Aux Pays-Bas, presque tous les fournisseurs d'énergie facturent les clients qui injectent l'électricité produite dans le réseau. Cela pourrait-il arriver en Belgique ?
« Les Pays-Bas sont dans une situation très différente, car les ménages néerlandais ont encore un compteur qui tourne à l'envers », explique Joannes Laveyne. « Ou mieux : un compteur numérique qui fonctionne comme un compteur qui tourne à l'envers. Là-bas, on parle de « salderingsregel » (« règle de compensation »). En Flandre, le déploiement du compteur numérique bat son plein (plus de 50 % des ménages flamands disposent actuellement d'un compteur numérique, ndlr). Le compteur qui tourne à l'envers est en voie de disparition en Flandre. Nous ne sommes pas confrontés aux mêmes difficultés qu'aux Pays-Bas. »
Pourquoi les Pays-Bas ont-ils mis en place cette mesure ?
« Comme leur compteur tourne à l'envers, les Néerlandais équipés de panneaux solaires peuvent se servir du réseau comme d'une batterie gratuite. Leur consommation en hiver est compensée par le surplus de leurs panneaux solaires en été. Sur une base annuelle, ils ne paient donc rien ou presque rien à leur fournisseur. Toutefois, l'électricité qu'ils consomment en hiver doit être produite par les fournisseurs dans une centrale électrique. Les fournisseurs ont donc des coûts mais pas de revenus, et doivent compenser ces pertes. D’où la mise en place de tarifs de reprise. C'était soit cela, soit augmenter les prix pour les clients sans panneaux solaires. Cette mesure n'est donc pas une grande surprise », précise Joannes.
Qu'en est-il en Wallonie ? Une région où il reste des compteurs qui tournent à l'envers.
« Le déploiement du compteur numérique est en effet beaucoup plus lent en Wallonie. Il n'est donc pas inconcevable que la Wallonie soit confrontée à un scénario similaire », estime Sam Hamels. « C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la ministre Demir a contesté les compteurs wallons qui tournent à l'envers en début d’année. Les fournisseurs avec des clients à la fois en Flandre et en Wallonie pourraient compenser la perte subie sur les clients wallons par des compteurs qui tournent à l'envers avec des tarifs plus élevés pour tous les autres clients. Donc aussi du côté flamand. Il serait donc temps que la Wallonie passe à la vitesse supérieure en déployant le compteur numérique, afin d'éviter, par exemple, des situations comme celle des Pays-Bas actuellement. »
Quels sont les autres défis auxquels la Flandre est confrontée ?
« En Flandre, des excédents impactent aussi le marché », explique Sam. « C'est pourquoi il est tout à fait acceptable de gaspiller un peu d'énergie solaire parfois. Depuis peu, notre pays dispose d'une capacité solaire de 10 GW, ce qui correspond d'ailleurs à la capacité en termes de puissance d'onduleur. En d'autres termes, il y a déjà plus de 10 GWp de panneaux en place. D'ici 2035, ce chiffre passera à 20 GW, puis 30 GW, etc. Les chiffres d'Elia indiquent qu'aux heures les plus ensoleillées de l'année, nous ne produisons jamais plus de 8 GW collectivement. Alors pourquoi ne pas plafonner la production solaire à 6 GW ? Nous pourrions ainsi mieux gérer les périodes d'excédent. Il n’y aurait donc ‘que’ 2 % de pertes en production annuelle d'énergie solaire en Belgique. »
Pensez-vous que nous devrons payer pour injecter de l'énergie dans le réseau à l'avenir ?
« Lorsque tous les compteurs numériques seront déployés, nous devrons peut-être payer occasionnellement pour injecter de l'énergie solaire sur le réseau », explique Sam. « Par exemple, si vous avez un contrat d'énergie fixe, il peut y avoir un prix d'achat fixe et une redevance d'injection fixe. Si les tarifs de marché négatifs deviennent plus fréquents, cette redevance d'injection pourra être réduite. En effet, lorsque les fournisseurs d'énergie déterminent la redevance d'injection fixe qu'ils accorderont pour une année entière, ils doivent tenir compte des moments toujours plus fréquents où l'énergie solaire excédentaire injectée dans le réseau par leur client a une valeur de marché faible, voire négative. Si vous avez un contrat variable, votre redevance d'injection change tous les trois mois. »
« Toutefois, la redevance d'injection restera positive aussi bien pour les contrats fixes que pour les contrats variables, car les moments d'excédent restent rares. L'énergie solaire injectée a encore de la valeur sur le marché de l'électricité. Ainsi, pendant toute la durée de ces contrats, le fournisseur peut toujours facturer l'énergie injectée. Un contrat fixe dans lequel la redevance d'injection est négative, et où il faudrait donc payer toute l'année lorsque l'on injecte de l'énergie solaire, n'est pas envisagé. Le fait que les personnes avec ce type de contrats ne soient pas incitées à stopper les injections lors des journées les plus ensoleillées avec excédents reste toutefois moins optimal. »
Existe-t-il d'autres pistes ?
« Oui, bien sûr », affirme Joannes, « Les fournisseurs pourraient décider de ne proposer que des tarifs dynamiques. Ils encouragent ainsi les clients à injecter moins lorsque les prix sont négatifs. Des voix s'élèvent pour l'imposer, avec une solution législative donc. C'est déjà le cas en Allemagne. Les onduleurs répondent aux signaux de l'opérateur du réseau. Ils peuvent ainsi éviter la surcharge des réseaux locaux. Il s'agit toutefois d'une solution temporaire, en attendant le renforcement des câbles du réseau par l'opérateur allemand. »
Serait-il possible que les fournisseurs d'énergie flamands suivent l'exemple allemand ?
Sam : « C’est possible. Depuis janvier 2023, tous les fournisseurs d'énergie proposent des contrats dynamiques. Il s’agit de contrats avec un prix de l'électricité qui varie toutes les heures. Il s'agit à la fois de prélever de l'électricité et d'en injecter dans le réseau. En cas d'excédent, les prix sont négatifs. Mais ce type de contrat n'a pas de succès. Moins de 1 % des Flamands disposent actuellement d'un contrat dynamique. »
« Pourtant, un contrat dynamique est avantageux. Surtout si vous utilisez des applications intelligentes contrôlant vos appareils lorsque le tarif est bas. Vous pouvez ainsi recharger votre voiture électrique au meilleur moment. En associant un contrat dynamique avec des panneaux solaires et si le prix de l'électricité baisse sous zéro, il faudra payer pour injecter de l'énergie dans le réseau », explique Joannes. « Les grands producteurs d'énergie décident alors de produire moins. Mais ce signal de prix n'atteint pas les consommateurs, sauf en cas de tarif dynamique. Les personnes qui injectent après ce seuil continuent à payer. Il est donc toujours préférable d'utiliser soi-même l'énergie autoproduite. »
Que faire pour éviter les excédents importants ?
Sam : « Il existe des solutions basées sur le marché, des solutions réglementaires et des solutions techniques. L'arrêt de l'installation de panneaux solaires n'est en aucun cas la solution. Un scénario avec des excédents et des prix négatifs n'est pertinent que pendant 5 % de l'année. Les 95 % restants de l'année, vous tirez profit en produisant vous-même votre énergie. Il reste donc intéressant d'investir dans les panneaux solaires. Il n'y a absolument rien de mal à gaspiller un peu d'énergie solaire de temps en temps. En mettant en place un blocage artificiel de nos panneaux solaires, cela permet de plafonner la production en période de surproduction. »
La Chine est actuellement confrontée à une énorme surproduction de batteries. Leur prix a diminué de plus de 30 % cette année. Cela réduira peut-être à terme le prix d'achat d'une batterie domestique.
La batterie domestique pourrait-elle jouer un rôle plus important à l'avenir ?
« Actuellement, il n'est pas certain qu'une batterie domestique puisse être amortie sur une durée acceptable », affirme Sam. « Pour l'instant, je ne le recommanderais pas. On pourrait cependant réduire les pics avec une batterie domestique, pour maîtriser votre tarif de capacité. Vous pouvez également alimenter votre batterie par un tiers qui vendra ensuite des services de réseau au gestionnaire de réseau de transmission Elia. Vous bénéficiez ainsi d'une source de revenus supplémentaire. Mais actuellement, les batteries domestiques sont encore trop chères. Si vous ne recherchez que le rendement financier, les milliers d'euros que coûte une batterie domestique seront mieux investis ailleurs. »
Toutefois, à l'avenir, les batteries domestiques pourraient devenir plus intéressantes sur le plan financier, selon Joannes. « En 2025, la situation sera peut-être différente. La Chine est actuellement confrontée à une énorme surproduction de batteries. Je ne parle pas des batteries domestiques en soi, mais des cellules de batterie contenues dans une batterie domestique. Leur prix a diminué de plus de 30 % cette année. Cela réduira peut-être à terme le prix d'achat d'une batterie domestique. Et cela, bien sûr, change la donne. »
Et en attendant ?
« Le plus important est de déterminer vous-même comment utiliser les excédents de façon significative. Ce changement de comportement n'est pas si radical », estime Joannes. « La généralisation des voitures électriques va changer beaucoup de choses dans les années à venir », ajoute Sam. « D'ici 2030, un million de voitures électriques circuleront en Belgique. Si vous consommez actuellement 3 500 kWh, le chargement d'une voiture électrique fera grimper votre consommation à environ 6 500 kWh. C'est presque le double. Dans les années à venir, il faudra être plus flexible concernant l'énergie solaire. Nous pourrons ainsi faire face à la plupart des pics de production d'énergie solaire. Le chargement intelligent pendant les heures ensoleillées est la meilleure option et d'un point de vue technique, c'est une solution simple à mettre en place. »

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