Dans notre dernière lettre d’information thématique consacrée à l’énergie renouvelable, nous avions déjà évoqué les techniques éco-énergétiques de The Mobble : le pavillon avec lequel l’université UGent participe au prestigieux Solar Decathlon. Cette semaine, nous mettons en évidence un aspect important de leur projet : la construction modulaire et circulaire. Selon les étudiants et leur professeur, il s’agit là de LA solution pour un logement efficace et accessible à tous.
La forme ultime de logement flexible
Les étudiants de la filière architecture et sciences de l’ingénieur ont construit leur pavillon à partir de cinq Modular Building Blocks (Mobbles). Ce que vous pouvez également faire pour votre propre habitation. “En fonction de vos besoins, vous composez votre habitation avec plusieurs Mobbles”, explique Febe Lanckmans, étudiant ingénieur HVAC. “En tant qu’étudiant, un ou deux modules suffisent pour construire un kot. Vous fondez ensuite une famille ? Vous y ajoutez le nombre de modules nécessaires pour obtenir un logement suffisamment grand. Vos enfants quittent la maison ? Vous pouvez revendre les modules devenus inutiles. Ou vous les conservez et aménagez une maison kangourou pour vos parents. Construire à l’aide de modules est l’ultime forme de logement flexible.”
Nous sommes à la traîne
Actuellement, la réalité est autre en Belgique. “De nombreux Belges achètent une maison et y vivent une trentaine d’années”, déclare Bjorn Pieters, étudiant en architecture et projectmanager. “Lorsque les enfants quittent le nid, vous êtes très vite avec des espaces dont vous n’avez plus besoin. De plus, au bout d'un certain temps, votre habitation ne répond plus à tous vos besoins. Pour que chacun puisse se loger sur mesure, nous devrions économiser jusqu’à 27% de notre consommation d’énergie, révèle une étude britannique. C’est une raison supplémentaire pour laquelle nous voulons stimuler le logement flexible en Belgique. D’autres pays sont nettement en avance sur nous. Aux Pays-Bas, les gens déménagent en moyenne après vingt ans, et même après sept ans, aux États Unis. De plus, les Belges continuent de vouloir se loger de la manière la moins efficace possible : dans une maison indépendante, avec un jardin à l’avant et deux bandes de pelouse de trois mètres de part et d’autre de l’habitation.”
De justes ambitions
Comment expliquer que nous nous cramponnions à notre mode de logement ? “Les pouvoirs publics ont toujours encouragé les gens à acheter un logement et à y rester”, explique le professeur Nathan Van den Bossche. “En raison de diverses mesures fiscales, changer d’habitation en Belgique revient très cher. C’est la raison pour laquelle les pouvoirs publics flamands ont rédigé une note afin de réaliser une série de projets pilotes dans ce sens au cours des prochaines décennies. Pour conscientiser les jeunes générations, les pouvoirs publics veulent en outre que l’analyse de l’impact de nos aspirations de logement sur l’environnement et la société fasse partie du cursus d’apprentissage. Les ambitions sont donc justes.”
Un changement de mentalité est nécessaire
De quelle manière la construction modulaire arrivera-t-elle à percer dans notre pays ? “En tout premier lieu, les gens doivent accueillir le concept avec enthousiasme”, estime Nathan. “Je pense que certains marchés de niche peuvent introduire la construction modulaire auprès du grand public : je songe par exemple aux gens qui achètent une « tiny house » ou un logement temporaire ou aux entreprises qui aménagent un bureau ou un bâtiment scolaire à l’aide de modules. Certaines entreprises qui fabriquaient auparavant des conteneurs de chantier sont passées aux conteneurs destinés aux écoles et maisons de repos. Une fois que le particulier sera convaincu, la construction modulaire pourra s’imposer comme la forme de logement du futur.”
Acheter un droit au logement
Comment se présente la construction modulaire dans la pratique ? “Nous pouvons suivre l’exemple de la Suisse”, suggère Nathan. “Où il existe des corporations de logement qui peuvent posséder jusqu’à 5.000 habitations. Vous achetez des parts de cette entreprise en tant que particulier ? Vous achetez en réalité le droit au logement. Vous êtes célibataire ? Vous avez droit à un petit appartement. Si vous rencontrez quelqu’un et que vous fondez une famille, vous pouvez déménager dans un plus grand logement. Vos enfants quittent la maison ? Vous emménagez à nouveau dans un appartement d’une ou de deux personnes. Pour un Belge, ce concept est très sensible. Nous voulons continuer à posséder notre parcelle de terrain avec une maison en briques sur celui-ci. Mais si chacun construit une maison modulaire, nous progressons déjà dans la bonne direction.”
Faisons fondre la montagne des déchets
Les étudiants ont également investi dans la construction circulaire. Quelle est l’idée derrière ce concept ? “Réutiliser un maximum de choses pour réduire la montagne des déchets”, explique Laura Landuyt, étudiante ingénieur HVAC. “Dans notre projet, vous pouvez facilement démonter les panneaux de façade isolants et les replacer ailleurs. Votre famille se réduit ? Comme les panneaux de façade, des modules Mobbles peuvent aussi être intégrés à une autre habitation. Il vous suffit de tout démonter et déplacer. Nous réutilisons aussi nos meubles : nous avons à cet effet écrémé les sites de seconde main et magasins circulaires. Ainsi, dans notre pavillon, nous voulons promouvoir l’aspect circulaire.”
Dans la pratique
Quelle est la différence avec le recyclage ? “La construction circulaire va beaucoup plus loin”, déclare Nathan. “Souvent vous recyclez aussi moins que vous ne le pensez. Il est déjà difficile de trier les matériaux issus d’une démolition de maison. C’est pourquoi il est plus intéressant de réutiliser des éléments de construction comme nos panneaux de façade : ceux-ci sont dans un premier temps intégrés par exemple à votre mur ou sol, ensuite à un carport pour finir vingt ans plus tard comme cloison dans un hôpital. Il existe d’autres concepts circulaires. Dans certaines entreprises, vous n’achetez pas des lampes mais de la lumière. Ils installent donc la lampe, vous achetez la quantité de lumière et la lampe demeure la propriété de l’entreprise. Vous mettez fin au contrat ? L’entreprise récupère la lampe et installe celle-ci ailleurs. Aux États Unis, vous pouvez même prendre votre façade en leasing.”
Idéal pour votre rénovation
Pouvez-vous placer les Mobbles vous-même ? “Nous avons volontairement réduit le poids de tous les composants”, explique Nathan. “Ainsi, les étudiants peuvent installer eux-mêmes tous les modules. En moins d'un jour, vous pouvez déjà supprimer une paroi, placer deux unités et tout colmater. Les gens hésitent souvent à se lancer dans la rénovation, mais grâce à ce concept, la rénovation est plus rapide et plus facile. Un Mobble peut donc être intégré dans un kit de bricolage. De plus, avec des éléments préfabriqués, vous réduisez le risque d’erreurs : en principe, le niveau de qualité de la construction est supérieur à celui qu’il serait en construisant sur place.”
Vous avez dit monotone ?
Est-ce nous allons tous vivre désormais dans des maisons modulaires parfaitement identiques ? “Absolument pas”, rassure Nathan. “Avec Mobbles, vous avez le choix entre différents modules : vous choisissez l’emplacement et les dimensions des surfaces vitrées, mais aussi la façon dont vous disposez les modules et les différents niveaux que vous voulez. Vous pouvez même créer des espaces semi-extérieurs, qui ressemblent à un abri de terrasse, une toiture-terrasse ou un jardin d’hiver. Une habitation modulaire n’est pas du tout comparable aux « cookie cutter houses » que l’on trouve aux États Unis. Celles-ci sont parfaitement identiques.”
Multifonctionnelle
Avec Mobbles, vous pouvez en outre réaliser des types de bâtiments très variés. “Notre projet est destiné à la rénovation des blocs résidentiels Etrimo postérieurs à la Seconde Guerre mondiale”, précise Bjorn. “Des enquêtes ont révélé que l’un des principaux défauts de ces bâtiments est le manque d’infrastructures sociales et d’espaces collectifs. Il est donc intéressant d’implanter près de ces immeubles par exemple un magasin de quartier, un salon de thé ou une crèche pour enfants. Grâce à nos modules et panneaux de façade légers, on peut non seulement les implanter à côté mais aussi au-dessus d’un bloc existant.”
Efficace et abordable
Et c’est probablement la meilleure nouvelle : la construction modulaire est aussi intéressante financièrement. “Notre pavillon est constitué de cinq modules de 14,4 mètres carrés : 72 m² au total donc”, ajoute Nathan. “Notre ambition est de rester sous la barre des 50.000 € avec ce pavillon complètement terminé. La grande économie vient naturellement de ce que tout est préfabriqué avec des produits standards. Avec un seul de nos panneaux de façade, vous pouvez simultanément remplir différentes fonctions : finition intérieure, étanchéité à l’air et à la vapeur, isolation, etc. Et à l’intérieur, vous obtenez une ambiance très chaleureuse avec le « look and feel » scandinave. Le logement modulaire et circulaire est donc non seulement efficace, mais aussi bon marché. Reste à attendre que ce concept émerge en Belgique. Avec notre pavillon, nous espérons y contribuer.”