Allons-nous bientôt chauffer et refroidir nos maisons grâce aux eaux usées ?

Les eaux usées comme source de chaleur durable ? C’est possible ! C'est ce que prouve le nouveau complexe résidentiel DOK+ à Malines. Les travaux ont commencé sur les appartements QNE conçus par les architectes POPOLO sur la place de la Croix-Rouge. Pour le chauffage et la climatisation des unités résidentielles, ils dépendent de l'énergie thermique et géothermique des égouts. La riothermie est un procédé relativement nouveau sur le marché des sources de chaleur. Mais de quoi s’agit-il ? Et pourrons-nous bientôt tous chauffer nos maisons à partir des eaux usées ? Nous avons posé la question à Maarten Raemdonck, responsable de l'innovation chez Aquafin.

Notre parc de logements, tant neufs que rénovés, continue de faire face à des défis. Quelles étapes pouvons-nous encore franchir dans la transition énergétique ? Quelles sources de chaleur durables sont encore disponibles et comment pouvons-nous les appliquer en Belgique, afin d'atteindre les objectifs de 2050 ? La société de traitement de l'eau Aquafin est passée à la vitesse supérieure ces dernières années et a étudié l’option des eaux usées. La riothermie s'est avérée être une des réponses.

Où en sommes-nous dans notre pays en termes de riothermie ?

Maarten : « La riothermie est encore relativement méconnue en Belgique. Mais à Paris, il y a déjà des quartiers entiers qui chauffent et refroidissent avec les eaux usées. Pays voisin, les Pays-Bas, compte environ 50 projets et le Danemark, l'Allemagne et la Suisse ont également une longueur d'avance. En observant ce phénomène, nous l’avons adapté dans notre pays. L'idée existait depuis un certain temps. Nous utilisons tous beaucoup d'eau chaude, qui finit dans le réseau d'égouts. L'eau chaude de la douche, de la machine à laver, du lave-vaisselle finit dans le système d'égout dans un environnement fermé et y retient sa chaleur. Sans compter la chaleur du sol. Nous n'avons donc rien inventé, mais avons utilisé le potentiel en Flandre. Actuellement, il y a déjà quatre endroits en Flandre qui seront réalisés dans les années à venir, y compris DOK+ à Malines. À court terme, vingt à vingt-cinq zones deviendront concrètes. Le chemin est donc tracé. »

Comment fonctionne la riothermie ?

Maarten : « La riothermie possède deux domaines d'application : la riothermie via l'assainissement de la rue et la riothermie via nos stations d'épuration d'eau. Dans le premier cas, nous avons mis une sorte de coquille dans le système d'égouts. Un fluide conducteur pénètre dans cette coquille qui capte la température des eaux usées. Ce liquide circule jusqu'à la pompe à chaleur de la maison, qui fournit à son tour l'eau sanitaire et, par exemple, le chauffage par le sol. Là où en géothermie le forage au sol est la source, en riothermie l'égout est la source. Une autre option consiste à extraire la chaleur des eaux usées traitées dans l'une de nos stations d'épuration. C'est particulièrement intéressant pour les grands projets, où la chaleur est ensuite distribuée via un réseau de chaleur. »

Puis-je décider par moi-même de chauffer sur la riothermie ?

Maarten: « En tant que particulier, ce n'est pas encore pour aujourd'hui. La riothermie est une voie intéressante pour les projets avec une demande de chaleur de 50 kWh. Le coût d'installation d'une coque n'est rentable que si elle peut être appliquée collectivement. Tous les tuyaux d'égout n'ont pas le même diamètre, la coque doit donc être fabriquée sur mesure. De plus, le potentiel de la riothermie des égouts n'est pas infini. Si vous avez un échangeur de chaleur installé, votre voisin ne peut plus le faire. Vous utilisez alors toute l'eau résiduelle chaude, ce qui en fait une solution unique et exclut (partiellement) le reste du système d'égouts. Nous nous intéressons donc principalement aux grands projets de 10 à 15 unités résidentielles. C'est le minimum. Il existe des applications avec des rendements plus faibles, telles que la réévaluation de la chaleur de l'eau de la douche avec un échangeur de chaleur autour de votre receveur. C'est une application qui est une extension et qui est réaliste pour les particuliers. »

Aquafin dispose de 325 stations d'épuration, soit au moins une dans chaque commune. Les stations d'épuration peuvent-elles être mises en marche plus rapidement ?

Maarten: « Si votre ville ou votre commune dispose d'un réseau de chaleur, c'est certainement une option. De plus, cette application présente un avantage important. Pour un bon traitement biologique des eaux usées, la température ne doit pas être trop basse. Nous devons continuer à garantir cette température minimale. Si nous travaillons via nos stations d'épuration, la chaleur est extraite après purification. Cela signifie que nous pouvons nous permettre une baisse de température plus importante. De plus, le volume d'eau d'une usine de traitement de l'eau est beaucoup plus important. Cette forme de riothermie offre encore plus d'efficacité et est idéale pour les grands projets de 500 kilowatts à des dizaines de mégawatts. Il y a donc beaucoup d'opportunités sur ce terrain. »

Les villes et les communes demandent-elles déjà la riothermie ?

Maarten : « Nous constatons que de plus en plus de villes et de communes élaborent une feuille de route pour la durabilité. Eux aussi doivent œuvrer en faveur d'une ville climatiquement neutre. Ils cherchent donc des solutions pour rendre le patrimoine de la ville plus durable, mais regardent aussi des projets de logements sociaux, des piscines publiques, des centres culturels, etc. Bien sûr, tout dépend de l'emplacement. La distance entre la station d'épuration et la ville ne doit pas être trop grande. Si des kilomètres de réseau de chaleur doivent être posés, ce n'est plus écologiquement et économiquement viable. »

Avec les autres compagnies des eaux, nous ne restons pas les bras croisés pour faire un pas important vers une Belgique durable et neutre en énergie

Et en hiver ? Les eaux usées restent-elles assez chaudes pour récupérer la chaleur ?

Maarten : « La plupart de nos clients combinent la riothermie avec une autre source de chaleur durable. La riothermie assure environ 80%, les 20% restants peuvent être apportés par une pompe à chaleur air-air ou une pompe à chaleur géothermique. Nous devons donc chercher des moyens de répartir les différentes sources de chaleur de la meilleure façon possible. La riothermie couvre le besoin de base, mais si un pic est nécessaire, il est plus efficace de combiner des sources de chaleur. »

Y a-t-il des inconvénients associés à la riothermie ?

Maarten : « Nous essayons de combiner au mieux les conditions préalables. Au niveau sectoriel, nous ne sommes pas le seul exploitant d'égouts. Et nous ne voulons pas compromettre l’épuration. Mais dans ces conditions, il y a très peu de risques. La seule chose dont nous devons tenir compte, c'est que lorsqu'il neige, l'eau de fonte abaisse la température dans le réseau d'égouts. En Belgique, cela équivaut à 2 à 3 jours par an. Il faut donc en tenir compte. Mais dans ce cas, un réservoir tampon peut pallier ou une pompe à chaleur supplémentaire peut aider. Selon le bâtiment, vous devez donc vous adapter. »

Aquafin est active en Flandre. La riothermie est-elle aussi prévue pour Bruxelles et la Wallonie ?

Maarten : « Vivaqua, la compagnie des eaux bruxelloise, expérimente la riothermie. Ils examinent d'abord les techniques de pose. Par exemple, leur département R&D étudie s'il est possible d'intégrer l'échangeur de chaleur dans la paroi du tuyau du réseau d'égout. Ce serait une bonne option si la ville a besoin de construire un nouveau réseau d'égouts. Avec la Société Publique de Gestion de l'Eau (SPGE) en Wallonie, nous partageons également nos expériences. Là-bas, le potentiel se situe principalement dans les zones urbaines. En bref, avec les autres compagnies des eaux, nous ne restons pas les bras croisés pour faire un pas important vers une Belgique durable et neutre en énergie. »