Dilemme : domotique classique ou Internet of Things ?

Les habitations intelligentes, pilotées par des données, sont l'avenir. Mais où en sommes-nous dans ce domaine ? Et que signifie la révolution des données pour vous ? Livios a posé la question à Rik Vereecken, fervent défenseur des bâtiments intelligents.

Son constat est sans appel : “Si chaque pays devait consommer autant d'énergie que les pays du G20 (NDLR, soit 90 % du produit national brut mondial), les lumières s'éteindraient définitivement. Nous fonçons droit sur un iceberg, à bord d'un bateau dont nous avons totalement perdu le contrôle. La politique énergétique européenne est un désastre.”

De bien sombres perspectives.

Un seul point à l'horizon : nous savons précisément où part notre énergie. Responsables de 40 % de la consommation d'énergie, les bâtiments sont les plus gros gloutons en énergie. En utilisant la technologie IoT (NDLR, basée sur l'Internet of Things) qui collecte et analyse des données, nous atteignons un meilleur confort d'utilisation et un climat intérieur plus sain. Et sommes en mesure d'influencer très sensiblement la facture d'énergie.

Selon vous, tout tourne autour d'une seule chose : l'utilisation correcte de données.

C'est LA solution. Egalement pour le déséquilibre au niveau du réseau d'électricité sensible aux pics d'énergie solaire et éolienne. Et puisque vous savez aujourd'hui ce que l'avenir vous réserve, vous pouvez adapter votre production d'énergie.

Les données sont aussi importantes pour le calcul des installations techniques. Le rendement des pompes à chaleur est en général nettement inférieur à celui mentionné sur la fiche technique. Et pourtant les bureaux d'études et auditeurs PEB se basent sur ces données. La consommation est par conséquent souvent plus élevée que prévue. Il y a plusieurs raisons à cela : dimensionnement incorrect, erreur de réglage, mauvaise sélection du type …

En analysant le comportement de l'installation et les conditions météorologiques, vous avez un bon aperçu de la façon dont l'installation fonctionne réellement. Une telle analyse peut en grande partie être automatisée.

Nos habitations sont-elles prêtes pour la révolution des données ?

Un changement radical est nécessaire, si nous voulons continuer à suivre les normes de construction strictes. Les maisons intelligentes sont la seule solution si nous voulons réduire durablement le niveau E. Et pour le développement des smart grids, les réseaux de distribution d'électricité intelligents sont essentiels.

Les maisons intelligentes sont généralement équipées de panneaux photovoltaïques qui contribuent à équilibrer la production et la consommation d'électricité. Je crois dans les nouveaux modèles de revenus. L'époque où vous payez un tarif fixe par kilowattheure touche à sa fin. Le prix du marché varie d'heure en heure et plus nous produisons de l'énergie verte, plus les variations de prix sont importantes.

Aussi, je pense que le prix de l'électricité oscillera pendant la journée en fonction de l'offre. Lorsque le prix est bas, vous pouvez utiliser davantage de courant, par exemple pour recharger votre voiture électrique. Lorsque le prix est élevé, vous consommez moins ou vous cédez votre électricité au réseau.

Mais nous n'en sommes pas encore là ?

Actuellement, la smart home est fort peu intelligente : la maison elle-même ne sait rien et ses techniques non plus. Il existe certes des applications intelligentes, mais à l'heure actuelle, l'accent est surtout mis sur le confort de l'utilisateur.

Prenez la fonction All Off, qui enclenche automatiquement l'alarme et lance une simulation de présence. Si vous couplez cette application domotique classique à internet, vous avez une version améliorée de la commande à distance. Vous pouvez ainsi contrôler, depuis les Bahamas, si l'alarme de votre maison est active.

L'Internet of Things’ a rendu la domotique plus accessible.

C'est vrai. Grâce aux thermostats intelligents (comme Nest, NDLR) ou à l'éclairage intelligent (comme Philips Hue, NDLR), nous pouvons rendre les maisons existantes intelligentes sans engager trop de frais. Une solution pour laquelle vous auriez déboursé quelques milliers d'euros il y a dix ans vous coûte actuellement 300 euros.

Mais la technologie IoT nous confronte à une autre donnée : le stockage de données dans le cloud. Si les capteurs IT sont bon marché, ils cachent aussi un prix : un part de votre vie privée. Il ne faut pas exagérer le phénomène : l'entreprise derrière le thermostat Nest (filiale de Google, Nest Labs, NDLR) connaît votre modèle de chauffage et vend ces données de façon anonyme et généralisée. C'est leur businessmodel, sinon ce produit n'aurait jamais pu être aussi peu coûteux.

Certaines personnes trouvent cela scandaleux, mais partagent allègrement leurs parcours de jogging sur Facebook via Runtastic.com. Je m'explique : IoT est une question de données et il y a toujours de l'argent à en tirer.

Quels rapports les anciens systèmes domotiques entretiennent-ils avec la technologie IoT ?

C'est précisément là le problème : vous avez deux technologies totalement opposées. D'une part, vous avez les systèmes domotiques, que nous appelons aussi technologie opérationnelle, qui intègrent toutes les applications domestiques dans un seul ensemble. D'autre part, vous avez les applications IoT, basées sur l'internet, avec tous ses avantages et inconvénients.

Il s'agit de fabricants totalement différents. D'un côté, vous avez les acteurs traditionnels de la technologie opérationnelle, comme Niko, Legrand, Siemens et Jung. De l'autre, les entreprises de type Google qui développent des produits IoT.

Cela pose-t-il des problèmes dans la pratique ?

Cela conduit à des situations délicates. Qu'en est-il si quelqu'un souhaite un système domotique classique, mais aussi un thermostat Nest ? Vous achetez votre domotique chez un installateur ou un intégrateur, tandis que vous commandez simplement en ligne un thermostat Nest. Qui est responsable ? C'est sans parler de la sécurité : l'IoT est une technologie ouverte. Les systèmes domotiques sont davantage fermés.

Les maîtres d'ouvrage doivent plus que jamais pouvoir faire appel à un bon professionnel. Un intégrateur qui est capable de faire fonctionner ensemble tous ces systèmes et qui fait la liaison entre la technologie opérationnelle et la technologie IoT.

L'utilisateur final ne risque-t-il pas de ne voir plus que l'arbre qui cache la forêt ?

C'est fort probable. Le marché est inutilement complexe. Que voulez-vous si vous construisez ou rénovez ? Un système qui répond à vos besoins, sans devoir réfléchir à la technologie qui sera la meilleure.

En principe, vous avez deux options : soit vous jouez la carte de la sécurité, en optant pour la domotique classique. Pas toujours la solution la plus sexy, pour laquelle vous payez relativement cher, mais vous avez un système qui fonctionne bien.

A l'opposé, vous avez la technologie IoT. Elle est très accessible, mais elle pose aussi des problèmes. Imaginez que vous régliez votre chauffage au moyen d'un thermostat Nest, vos éclairages via Philips Hue et l'arrosage avec une application de Gardena. Rien que pour ces trois systèmes, vous avez déjà besoin de trois applications différentes. Pas vraiment idéal.

Que conseillez-vous aux maîtres d'ouvrage ?

Choisissez un bon intégrateur. Il est le maillon entre votre architecte et les partenaires de la construction. Il donne des informations objectives : que pouvez-vous combiner ? Quel système domotique vous convient ? Comment pouvez-vous le compléter ? Votre intégrateur relie aussi votre domotique aux applications IoT. Vous éviterez ainsi de charger votre smartphone d'applications que vous ne souhaitez pas.

Question pratique : dois-je prévoir un câblage complet si je construis ou rénove ?

Une solution câblée est toujours meilleure. C'est donc la solution parfaite si vous construisez ou si vous entreprenez une grande rénovation. Tout d'abord, parce qu'un câble garantit toujours un meilleur fonctionnement qu'une connexion sans fil. Deuxièmement, parce qu'il est plus facile de sécuriser une installation câblée.

Si vous possédez une maison et que vous ne voulez pas modifier complètement le réseau de câblage, vous devez opter pour la solution sans fil et il existe des systèmes qui sont basés sur des protocoles sans fil spéciaux, tels que Z-Wave ou Zigbee ... De très bons produits existent également dans ce domaine.

Ce que je déconseille ce sont les produits plutôt basiques disponibles dans les magasins de bricolage : détecteurs de mouvements avec caméras intégrées et ce genre de choses. Prix super intéressant mais il y a une raison à cela : la sécurité laisse à désirer. Une récente étude indique que 60 % de ce type d'appareils, dont les systèmes d'alarme et d'ouverture de porte de garage, sont très faciles à pirater.

Autre dilemme : si j'installe un système domotique, dois-je préférer un système fermé d'un seul fabricant ou plutôt un standard ouvert, comme KNX ?

Pour les grands bâtiments et bureaux, le standard reste la meilleure option. Pour une maison unifamiliale, vous avez le choix. Vous voulez 100 % de sécurité et de flexibilité, optez plutôt pour un standard. Mais de la même manière que les systèmes domotiques sont conçus pour automatiser les habitations, KNX est destiné à l'automatisation de bâtiments. C'est pourquoi, un système domotique classique d'un unique fabricant reviendra certainement moins cher et représente la bonne solution à long terme aussi.

Du moins, si vous respectez les règles suivantes. Règle n° 1 : choisissez un système qui existe au moins depuis dix ans. Règle n° 2 : choisissez un fabricant qui s'en tient à son propre standard. Certains ne le font pas et proposent un tout nouveau système au bout de quelques années, lequel est incompatible avec l'ancien. Un scénario dont vous ne voulez pas faire les frais.