Les communautés d’énergie disposent enfin d’un cadre légal. Il est désormais possible de produire ensemble de l’énergie et de se la partager en fonction des besoins. Mais qu’est-ce qu’une communauté d’énergie et comment fonctionne-t-elle ?
Naguère, les choses étaient simples : l’énergie dont on avait besoin était produite par de grandes centrales fonctionnant au gaz, au pétrole ou au combustible nucléaire. Mais aujourd’hui, le paysage de la production d’énergie s’est fragmenté : les particuliers installent des panneaux solaires et des pompes à chaleur mais sans toutefois être autorisés à vendre le surplus d’énergie produite à d’autres particuliers. Du moins jusqu’ici.
Dans un monde où l’énergie devient de plus en plus chère, cette interdiction n’est plus justifiable et, d’un point de vue environnemental, il serait fou de ne pas considérer comme une bénédiction cette énergie générée naturellement. Le nouveau concept de communautés d’énergie est l’un des moyens de la distribuer. Elles permettent aux particuliers, aux entreprises et aux organisations locales de partager et d’échanger l'énergie produite localement de la manière qui leur convient le mieux. Pour une école équipée de panneaux solaires, l’énergie produite en été n’a que très peu d’utilité mais elle en a pour les voisins de l’établissement. Ainsi, tout le monde a la possibilité de profiter de l’énergie verte produite localement.
Le prosumer
L’idée des communautés d’énergie a été développée à l’initiative de l’Europe, les États membres ayant jusqu’à 2021 pour élaborer des réglementations en la matière. L’objectif était de mettre davantage les citoyens (ménages et entreprises) au centre du jeu et de créer des conditions de concurrence équitables pour, entre autres, la production, le stockage, la consommation, le partage et la vente d’énergie. Maintenant que ce cadre démocratique est en place, il est temps de comprendre de quoi il retourne précisément.
En premier lieu, il faut expliciter le concept de ‘client actif’ ou ‘prosumer’ qui n’est pas seulement un consommateur mais est également un producteur d’énergie, que ce soit avec des panneaux solaires ou d’autres dispositifs. Il peut injecter son surplus d’énergie dans le réseau mais aussi choisir de le vendre directement à un autre utilisateur. Selon la nouvelle réglementation, on parle d’échange de ‘pair à pair’ ou de vente de personne à personne d’énergie verte par un client actif à un autre client actif.
Quelles activités ?
Un groupe de clients actifs peut s’unir au sein d’une entité juridique afin d’exercer certaines activités comme la production d’énergie, la consommation, le stockage ou la vente pour son compte propre, l’offre de services de soutien au réseau ou de recharge pour les véhicules électriques. Elle peut également partager l’énergie produite entre ses membres.
La condition est la gratuité, par exemple parce que les participants ont acheté ensemble des panneaux solaires et ont donc droit à l’énergie qu’ils permettent de produire. Si l’énergie est vendue à deux clients finaux ou plus, la communauté d’énergie doit demander une autorisation de fourniture auprès de la VREG (en Wallonie le CWaPE), ou faire appel à un fournisseur existant qui agit comme intermédiaire pour la vente.
L’objectif est clairement défini. Il s’agit de permettre à des particuliers, des PME et des autorités locales de détenir une communauté d’énergie mais sans en faire une activité commerciale à grande échelle et encore moins que d’en faire leur principale activité commerciale. De toute façon, les grandes entreprises ne devraient pas avoir de pouvoir décisionnel sur ces communautés d’énergie. Les communautés d’énergie doivent poursuivre un objectif écologique, social ou économique pour leurs membres ou le quartier dans lequel elles opèrent. Et faire des bénéfices ne doit pas être leur objectif principal.
Projet pilote
À Bruxelles également la réglementation des communautés d’énergie n’a été finalisée que récemment, mais certains projets ont déjà reçu l’autorisation de fonctionner au titre de projet pilote. L’un d’entre eux s’est développé autour du projet Greenbizz et a été initié par WeSmart, une entreprise qui accompagne la création et la gestion des communautés d’énergie. « Le mieux est tenter vous-même l’aventure », s’amuse Boniface Nteziyaremye, expert en projets.
« Nos débuts n’ont pas été difficiles », dit-il. Greenbizz est un incubateur qui s’occupait déjà de la durabilité. « Il a suffi de proposer l’idée au propriétaire du bâtiment : les panneaux solaires étaient là, les acheteurs potentiels – d’autres PME et organisations – étaient à proximité. Après cette première étape, il a fallu constituer la communauté elle-même, ce qui a pris un peu plus de temps. Étant donné qu’il n’existait encore aucune réglementation, nous avons dû créer le cadre nous-mêmes. Il nous a fallu environ six mois pour monter un dossier complet, réaliser l’étude de faisabilité et parvenir à une intégration écologique et économique. Tout ce processus était indispensable pour pouvoir demander au législateur l’approbation du projet pilote. Ce qui a pris six mois de plus. »
Des résultats positifs
Depuis un an, des restaurants, des brasseries, des viticulteurs et d’autres membres de Greenbizz utilisent l’électricité des panneaux solaires installés sur son toit. Les résultats sont semble-t-il très positifs. « La communauté d’énergie a consommé 70% de l’énergie produite par les panneaux solaires. Nous aimerions augmenter ce pourcentage, mais c’est déjà pas mal.»
« Cela signifie que 40% de la consommation d’énergie de nos entreprises est couverte par le soleil. Cela leur permet d’économiser 10 à 15% sur la facture d’énergie car nous avons convenu d’un prix de l’énergie solaire inférieur à celui qu’elles paient sur le marché. Comme nous leur fournissons également un logiciel qui leur permet de visualiser leur consommation, certaines ont déjà aménagé leurs processus de manière à pouvoir utiliser un maximum d’énergie solaire. Le projet est une réussite aussi bien sur le plan économique qu’écologique. »
Faire passer le message
« Aujourd’hui, nous cherchons à convaincre d’autres acteurs du quartier », poursuit Fabrice Nteziyaremye. « Nous aimerions, par exemple, intégrer dans la communauté d’énergie les panneaux solaires des écoles alentour mais aussi ceux de particuliers. C’est pourquoi nous avons nommé ‘ambassadeurs’ des citoyens ordinaires, volontaires pour faire passer le message dans le quartier. »
« Il était important pour notre projet pilote de pouvoir partir d’installations existantes. Mais ce n’est pas une obligation. Depuis peu, nous accompagnons un projet dans une commune wallonne où l’achat et l’installation doivent être entièrement organisés. Je constate beaucoup d’intérêt dans la société pour ces communautés d’énergie. Il y a pas mal de projets dans le pipeline, également en Flandre. »